Une histoire matérialiste du matérialisme
Nicolas Mathey
Mardi, 17 Septembre, 2013
L'Humanité
Histoire des philosophies matérialistes, de Pascal Charbonnat. Éditions Kimé, 2013, 706 pages, 34 euros.
La matière est partout la même. La deuxième édition de l’Histoire des philosophies matérialistes, de Pascal Charbonnat, permet de suivre un puissant fil conducteur de la pensée occidentale : le parti pris de la matière. Ce en quoi cette Histoire s’apparente à une histoire de l’athéisme, rassemblant ceux qui ont rejeté tout au-delà, tout principe divin, tout Ciel des idées.
Pas question pour Pascal Charbonnat de faire l’histoire des matérialismes à partir de penseurs supposés intemporels. « L’histoire du matérialisme ne devient pleinement significative qu’à condition qu’elle soit elle-même une histoire matérialiste, en reflétant la liaison entre l’idée matérialiste et le reste du monde », affirme l’auteur, qui se place dans la descendance de l’idéologie allemande, liant l’apparition des philosophies matérialistes aux bouleversements historiques, aux conditions matérielles de production et d’existence des sociétés.
Ainsi l’atomisme antique est-il relié à l’expérience grecque de la démocratie, avec Démocrite puis Lucrèce, lesquels s’attachent à expliquer le monde à partir de la nécessité interne de la nature, en rejetant toute intervention démiurgique. Plus tard, le système féodal et les assauts du christianisme et de sa philosophie scolastique conduisent à l’extinction du courant matérialiste. À l’époque moderne, l’essor des villes et des marchands provoque sa résurgence, sous la forme du mécanisme cartésien et de l’athéisme des Lumières.
Au XIXe siècle, l’essor des industries et des sciences aurait provoqué l’émergence des deux courants matérialistes contemporains. Le matérialisme évolutionniste avec Lamarck et Darwin conduit aux sciences contemporaines et à leur recherche d’unification des lois de la matière. Le matérialisme dialectique de Marx et Engels se tourne vers l’histoire des sociétés et de leurs conflits pour expliquer que l’état des forces de production et des rapports sociaux est le fondement des idées, dans un combat permanent pour l’émancipation sociale.
Le XXe siècle aura, selon l’auteur, vu ces deux courants continuer de s’ignorer, le premier s’enfermant dans la technicité et la spécialisation, tandis que le matérialisme dialectique s’est trouvé défiguré par le stalinisme, occulté par le capitalisme. « Le XXe siècle voit le capitalisme résister à sa contestation, voire donner l’impression qu’il triomphe, alors que la contestation de sa suppression, ou de sa fin certaine, n’est pas résolue », conclut Pascal Charbonnat.
La question des rapports entre capitalisme et matérialisme se pose avec insistance au terme de cette Histoire des philosophies matérialistes. Si l’avenir du matérialisme dialectique passe, selon l’auteur, par la renaissance du mouvement ouvrier, comment renouveler le lien politique qui permettrait cette renaissance ? Le capitalisme n’est-il pas cette capacité d’adaptation qui transforme la puissance et le soulèvement des peuples en pouvoir politique, qu’il soit bureaucratique et/ou oligarchique ? Le capitalisme n’est-il pas l’obscure victoire de la science matérialiste de la nature débarrassée de la question des origines, la victoire grise de la chose marchande débarrassée de la question de sa production ?
in L`Humanité
La matière est partout la même. La deuxième édition de l’Histoire des philosophies matérialistes, de Pascal Charbonnat, permet de suivre un puissant fil conducteur de la pensée occidentale : le parti pris de la matière. Ce en quoi cette Histoire s’apparente à une histoire de l’athéisme, rassemblant ceux qui ont rejeté tout au-delà, tout principe divin, tout Ciel des idées.
Pas question pour Pascal Charbonnat de faire l’histoire des matérialismes à partir de penseurs supposés intemporels. « L’histoire du matérialisme ne devient pleinement significative qu’à condition qu’elle soit elle-même une histoire matérialiste, en reflétant la liaison entre l’idée matérialiste et le reste du monde », affirme l’auteur, qui se place dans la descendance de l’idéologie allemande, liant l’apparition des philosophies matérialistes aux bouleversements historiques, aux conditions matérielles de production et d’existence des sociétés.
Ainsi l’atomisme antique est-il relié à l’expérience grecque de la démocratie, avec Démocrite puis Lucrèce, lesquels s’attachent à expliquer le monde à partir de la nécessité interne de la nature, en rejetant toute intervention démiurgique. Plus tard, le système féodal et les assauts du christianisme et de sa philosophie scolastique conduisent à l’extinction du courant matérialiste. À l’époque moderne, l’essor des villes et des marchands provoque sa résurgence, sous la forme du mécanisme cartésien et de l’athéisme des Lumières.
Au XIXe siècle, l’essor des industries et des sciences aurait provoqué l’émergence des deux courants matérialistes contemporains. Le matérialisme évolutionniste avec Lamarck et Darwin conduit aux sciences contemporaines et à leur recherche d’unification des lois de la matière. Le matérialisme dialectique de Marx et Engels se tourne vers l’histoire des sociétés et de leurs conflits pour expliquer que l’état des forces de production et des rapports sociaux est le fondement des idées, dans un combat permanent pour l’émancipation sociale.
Le XXe siècle aura, selon l’auteur, vu ces deux courants continuer de s’ignorer, le premier s’enfermant dans la technicité et la spécialisation, tandis que le matérialisme dialectique s’est trouvé défiguré par le stalinisme, occulté par le capitalisme. « Le XXe siècle voit le capitalisme résister à sa contestation, voire donner l’impression qu’il triomphe, alors que la contestation de sa suppression, ou de sa fin certaine, n’est pas résolue », conclut Pascal Charbonnat.
La question des rapports entre capitalisme et matérialisme se pose avec insistance au terme de cette Histoire des philosophies matérialistes. Si l’avenir du matérialisme dialectique passe, selon l’auteur, par la renaissance du mouvement ouvrier, comment renouveler le lien politique qui permettrait cette renaissance ? Le capitalisme n’est-il pas cette capacité d’adaptation qui transforme la puissance et le soulèvement des peuples en pouvoir politique, qu’il soit bureaucratique et/ou oligarchique ? Le capitalisme n’est-il pas l’obscure victoire de la science matérialiste de la nature débarrassée de la question des origines, la victoire grise de la chose marchande débarrassée de la question de sa production ?
in L`Humanité
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