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terça-feira, 9 de julho de 2024

 

Immigration et sécurité sociale: le grand mensonge de Bardella

Aux Français inquiets de voir leur pouvoir d’achat sans cesse s’éroder, Jordan Bardella promet des lendemains meilleurs. Comment ? En excluant les étrangers qui pèseraient sur les finances de l’État. Le problème, ce n’est donc pas les ultra-riches qui accaparent toujours plus de la richesse produite et paient le moins d’impôts possible, sous-finançant les services publics. Le problème viendrait de l’immigration. Mais cette idée repose sur un grand mensonge, comme le démontre le sociologue Saïd Bouamama dans cet extrait du Manuel sur l’immigration que nous vous proposons en accès libre.

Le second préjugé à forte récurrence est celui d’une immigration grevant les budgets sociaux d’un poids insupportable. Cette fois-ci, les immigrés ne sont plus accusés de prendre l’emploi des autochtones, mais d’avoir un effet négatif sur les finances publiques. On le retrouve à propos des réfugiés, dans les appels à limiter le droit au regroupement familial pour les immigrés, mais aussi dans une série de discours sur la démographie immigrée pseudo « galopante », l’échec scolaire soi-disant « massif », la délinquance, etc. Sur ce point également le préjugé ne résiste pas à la confrontation avec les données matérielles et avec les résultats de la recherche.

Au plan international, européen ou français, les résultats des recherches convergent, depuis longtemps, pour attester d’une réalité à l’exact opposé de ce qu’affirme le préjugé. Non seulement les immigrés ne sont pas une charge spécifique pour les finances publiques, mais ils leur apportent au contraire un effet bénéfique.

Une évaluation canadienne parue en 1995 est résumée comme suit par Gilles Grenier dans l’état des connaissances sur le sujet que nous avons déjà cité :

Une approche initialement proposée aux États-Unis par Simon (1984) a été appliquée au Canada par Akbari (1989, 1995). Elle consiste à calculer la valeur monétaire présente nette de l’ensemble des services publics reçus et des impôts payés par les immigrants et les natifs du pays d’accueil selon leurs caractéristiques d’âge, de revenu, de structure familiale, etc. […] Akbari (1995) considère les services suivants pour l’année 1990 : les allocations familiales et crédits d’impôt pour enfants, les pensions de vieillesse, le supplément de revenu garanti, les régimes de rentes du Canada et du Québec, l’assurance-chômage, l’aide sociale, la santé et l’éducation. Il montre que toutes les cohortes d’immigrants sont une source nette de transferts pour les Canadiens de naissance. La valeur présente estimée de la contribution moyenne d’un immigrant au trésor public durant toute sa vie est de l’ordre de 35 000 $ à 45 000 $. Il conclut que l’immigration est un bon investissement pour les Canadiens et que son augmentation contribuerait à accroître les recettes fiscales[i].

En 2013, la fréquence d’utilisation du préjugé dans les campagnes électorales des pays industrialisés conduit l’OCDE à mener une vaste enquête sur le sujet. Les auteurs soulignent le lien entre le préjugé diffusé par l’extrême droite et l’acceptation par l’opinion publique des politiques migratoires restrictives et répressives. « Enfin, dans de nombreux pays, souligne l’étude, l’opinion publique se montre très préoccupée par l’utilisation du système de protection sociale par les immigrés. Des enquêtes d’opinion montrent que […] les personnes qui croient que l’immigration a une incidence fiscale positive sont aussi plus enclines à accepter qu’elle se poursuive[ii] ».

Les résultats sont différents selon les pays en raison de la diversité des compositions sociodémographiques [âges, compositions familiales, etc.] des différentes immigrations, mais convergent pour souligner soit le faible impact [en positif ou en négatif], soit un solde net positif de l’immigration sur les finances publiques : « La question de savoir si les immigrés sont des contributeurs nets aux finances publiques ou s’ils en sont des bénéficiaires nets est au cœur des débats. Selon nos estimations, leur impact est généralement limité, n’excédant pas 0,5 % du PIB, qu’il soit positif ou négatif[iii]. » Dans les pays où ce faible impact est négatif, souligne cette recherche, la cause se trouve dans le niveau faible de leurs revenus : « Les immigrés se caractérisent généralement par une position budgétaire nette moins favorable que celle des autochtones, ce qui est principalement dû au fait qu’ils paient moins d’impôts et de cotisations de sécurité sociale plutôt qu’à une dépendance plus élevée à l’égard des prestations sociales[iv]. »

Ces résultats sont pertinents autant pour les sans-papiers que pour les autres immigrés : « Les immigrés en situation irrégulière sont inclus dans la mesure où la base de données utilisée pour l’analyse les englobe[v]. »

Une autre étude portant également sur les pays de l’OCDE parue en 2015 [que nous avons déjà évoquée à propos de l’emploi] conclut pour sa part à un effet positif : « Il y a un effet positif très visible du flux de migrants permanents. À la suite d’une augmentation de ce flux à une date donnée, nous observons que le PIB par habitant va croître de façon significative pendant quatre ans, tandis que le taux de chômage va baisser. C’est le contraire de ce que l’on entend parfois ! Cette amélioration de la situation économique va aussi avoir un effet positif sur les finances publiques, car même si l’on observe une hausse des dépenses publiques, les recettes – en impôts et cotisations – augmentent elles aussi[vi]. »

Ces résultats convergent avec les études menées sur la situation française. Une recherche du CEPII [Centre d’études prospectives et d’informations internationales] portant sur une période de trente ans [1979-2011] démontre que la population immigrée n’a jamais été à l’origine du déficit budgétaire de l’Hexagone et ce, que l’on inclut ou non les enfants français de ces immigrés dans le calcul. Elle explique ce résultat par l’action de deux facteurs agissant dans des sens contradictoires : une population immigrée globalement plus jeune en général et plus représentée dans les catégories d’âge actif [les 20-60 ans] et donc contribuant plus conséquemment que les autochtones aux impôts et cotisations d’une part et une population immigrée ayant globalement des salaires beaucoup plus bas que les autochtones et donc contribuant moins aux diverses taxes. « La grande disparité des contributions nettes individuelles selon l’âge et selon le niveau de qualification se traduit par des différences marquées dans les contributions nettes selon l’origine[vii] », résument les chercheurs.

La prise en compte des deux tendances ci-dessus citées est essentielle. Elle signifie, en effet, que l’apport économique des immigrés ne peut pas se limiter à la seule incidence sur les finances publiques. La masse de valeurs produites par les forces de travail immigrées  ne se reflète que partiellement dans les finances publiques du fait de la faiblesse des salaires et donc des cotisations. Ce sont les employeurs qui bénéficient de cette richesse issue du travail des immigrés et non la collectivité.

C’est pourquoi il convient de compléter l’analyse en prenant en compte la contribution de l’immigration à la production de richesse que l’on peut approcher par le produit intérieur brut. Sans surprise, elle est considérable. Une étude française datée de 2015 évalue l’impact de l’immigration comme suit : « Le PIB par habitant répond positivement aux taux d’immigration. Cette réaction résiste à la décomposition de l’immigration par âge, sexe, motif de délivrance des titres de séjour, pays de naissance de l’immigrant. Quantitativement, l’effet sur le PIB par habitant est élevé. Le calcul de la réponse impulsionnelle à un choc de 1 % est associé à une augmentation de 0, 3978 % du PIB par habitant en un an[viii]. » Sans étonnement, la situation est similaire en Belgique. Une évaluation des économistes de l’Université Catholique de Louvain en 2015 estime que « l’impact budgétaire de l’immigration est de 0,5 % du PIB, soit deux milliards au PIB actuel[ix] ».

D’autres travaux se sont intéressés à des budgets sociaux spécifiques tels que la Sécurité sociale en général ou les caisses de retraite en particulier. Le thème d’un « trou de la Sécurité sociale », dont seraient responsables les immigrés est en effet une autre récurrence des débats publics et médiatiques. Une nouvelle fois, l’extrême droite en est à l’origine, mais ici aussi, la diffusion est désormais plus large. Pas plus que pour les finances publiques, cette affirmation n’est étayée par les données existantes et par les recherches. Il s’agit ici aussi d’un simple préjugé sciemment entretenu. Concernant le cas français, la polémique de l’extrême droite s’est appuyée sur la publication d’une étude de l’essayiste Jean-Paul Gourevitch affirmant que « chaque année l’immigration coûte à la France 17,412 milliards d’euros, soit 0,9 % du PIB[x] ». Le fait que l’auteur soit proche de l’extrême droite n’a pas empêché une large médiatisation de « l’étude » sur laquelle le Front national a surfé.

Les résultats de l’étude s’expliquent par deux biais sciemment utilisés pour fausser les résultats. Le premier consiste à comptabiliser dans les charges imputées à l’immigration l’ensemble de « l’aide au développement » ou les coûts liés aux expulsions [et plus largement ceux liés à la lutte contre l’immigration irrégulière] ce qui n’a, bien entendu, rien à voir avec le budget de la Sécurité sociale. Le second consiste à prendre en compte les charges concernant les enfants d’immigrés qui sont de nationalité française sans prendre en compte leurs cotisations quand ils travaillent.

Plus sérieuse, l’étude menée par les économistes Xavier ChojnickiLionel Ragot aboutit au résultat exactement inverse : « Les effets bénéfiques de l’immigration sur les comptes de la protection sociale proviennent donc essentiellement de la structure par âge des flux nets, globalement plus jeunes que la population française dans son ensemble, et affectent principalement, et sans surprise, les deux branches de la protection sociale les plus sensibles aux évolutions démographiques (retraites et santé)[xi]. » Plus jeunes en moyenne que les autochtones, les immigrés pèsent logiquement moins sur les deux branches de la protection sociale pour lesquelles le vieillissement de la population a un impact conséquent. La situation est, bien entendu, similaire pour tous les pays ayant une pyramide démographique marquée par le vieillissement.

Le même scénario se reproduit en ce qui concerne le financement de la retraite. Pourtant le lien entre vieillissement de la population, immigration et financement des retraites est connu depuis l’après-guerre. Des 1946, le démographe Paul Vincent l’évoque dans un article intitulé « Vieillissement de la population, retraites et immigration[xii] ». Il y souligne la nécessité de faire appel à l’immigration [à moins, d’accepter une hausse des cotisations ou un report de l’âge de départ] pour éviter une crise du financement des retraites.

Près de quatre décennies plus tard les liens entre immigration et financement des différentes branches de la Sécurité sociale se présentent comme suit : « Les immigrés versaient plus de cotisations [en 1984] qu’ils ne recevaient de prestations vieillesses et maladie. En revanche, ils recevaient plus d’allocations familiales, d’indemnités de chômage et de prestations pour accident du travail. Ce qui s’explique par le fait que les immigrés sont plus jeunes, ont plus d’enfants, et travaillent plus souvent dans des branches à risques que le Français[xiii]. »

Ces précisions ne signifient pas qu’il est pertinent d’aborder la question de l’immigration selon une logique de « coûts et profits ». Dans un article admirable, Abdelmalek Sayad a critiqué cette logique en soulignant qu’« elle a masqué toute une série d’autres questions devenues impensables, comme, par exemple, la question de savoir à qui “coûte” et à qui “rapporte” l’immigration.[xiv] » Poser cette dernière question revient à réinscrire l’immigration dans son véritable cadre, celui d’une immigration résultant des rapports impérialistes entre les centres dominants [les pays dits « riches »] et les périphéries dominées [les pays dits « pauvres »]. Le principal coût de l’immigration est, en effet, supporté par les pays d’origine, souligne Sayad. Il consiste dans le « coût d’élevage » jamais pris en compte dans les évaluations des impacts de l’immigration sur les budgets sociaux : « S’il est pour les pays d’immigration un “profit” immédiat, profit “initial” et apparemment net de tout coût en compensation, c’est celui qui consiste à “importer” des hommes adultes et encore jeunes donc “utiles” et productifs dès le premier jour de leur arrivée ; ce “profit” qui consiste dans l’économie réalisée sur ce qu’Alfred Sauvy a appelé “le coût d’élevage”[xv]. »

L’importance de la précision est de taille au moment où la nouvelle phase de mondialisation capitaliste fait naître des discours sur « l’immigration choisie ».

Le temps n’est plus où le capital se contentait d’importer une main-d’œuvre peu qualifiée. Sa soif de profit le pousse à organiser l’appel à une force de travail qualifiée dont le coût de formation a été intégralement supporté par les pays d’origine. Dans les faits, nous assistons effectivement à une mutation concernant les classes sociales d’appartenances des émigrés. Jadis composée quasi exclusivement de ruraux déracinés, de néo-urbains paupérisés puis de leurs descendants, l’émigration touche désormais les « couches moyennes » des périphéries dominées. De nouveau, c’est la bipolarisation qui est à l’origine de la mutation. Un des mécanismes clés contemporains de sa reproduction fut en effet l’imposition des plans d’ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale. Les conditions d’accès aux prêts internationaux, comme nous l’avons déjà évoqué, ne se sont pas cantonnées à leur rentabilité, mais ont porté également sur des conditionnalités de nature politique. En particulier l’exigence d’un « retrait de l’État », conformément au dogme libéral sous la forme d’une conditionnalité de privatisations et d’une baisse des budgets sociaux, ce qui a signifié une véritable destruction des services de santé, d’éducation, d’infrastructures de base (routes, électricité, etc.).

Or, ces secteurs étaient justement ceux qui employaient lesdites « couches moyennes ». Cette main-d’œuvre qualifiée, dont le coût de formation est à la charge des pays de la périphérie dominée, est destinée à s’insérer à bas coût dans des services publics des pays du centre caractérisés par des baisses de budget massives. Elle devient en quelque sorte un prolétariat qualifié pour les économies du centre. Cette « fuite des cerveaux » est directement en lien avec les plans d’ajustement structurel selon une étude portant sur les médecins africains installés aux États-Unis :

La fuite des médecins de l’Afrique subsaharienne vers les États-Unis a démarré pour de bon au milieu des années 1980 et s’est accélérée dans les années 1990 au cours des années d’application des programmes d’ajustement structurel imposé par […] le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, [dont les] termes exigeaient […] des coupes franches dans les services publics de base de Sécurité sociale ; l’imposition de frais pour les soins de santé et d’éducation ; la disparition quasi totale des budgets de recherche médicale ; le gel prolongé des embauches dans le secteur public, notamment l’éducation publique et le secteur de la santé publique ; une paupérisation sans précédent du personnel des secteurs de la santé publique et de l’université ; l’augmentation des inégalités sociales et de la vulnérabilité économique ; et la prolifération d’ONG internationales ayant peu de comptes à rendre aux autorités locales la plupart du temps[xvi]

En France, la création, en 2007, d’une carte de séjour spécifique « compétences et talents », attribuable « à l’étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique, au développement de l’aménagement du territoire ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, humanitaire ou sportif de la France » illustre à merveille la course à l’économie des « coûts d’élevage » de cette main-d’œuvre qualifiée. Bien entendu, ce titre est prévu d’emblée comme pluriannuel au même moment où l’on impose des titres précaires d’un an pour l’immigration « non talentueuse ». Tous les autres pays européens ont mis en place des dispositifs du même type révélant ainsi la concurrence en cours concernant le « pillage des cerveaux » :

Sur le « marché du cerveau » en provenance des pays du Sud, les pays du Nord se livrent à une concurrence farouche. Plus ils sont riches, plus ils sont susceptibles d’attirer les élites des pays pauvres, lesquels s’appauvrissent encore de l’exode de leurs élites. Le phénomène n’est pas près de se tarir puisque dans le domaine de la santé par exemple, tous les pays occidentaux limitent les entrées en formation de praticiens à coup de numerus clausus ou d’autres systèmes, organisant la pénurie de médecins pour les dix ou quinze ans à venir et tablant de façon cynique sur la venue de médecins des pays du Sud pour compenser ce manque. Tous corps de métiers confondus, on observe qu’au cours de la décennie 90, le nombre des migrants qualifiés vers les pays de l’OCDE a augmenté deux fois et demie plus vite que celui des migrants non qualifiés, et tout laisse à penser que l’écart a continué depuis à se creuser[xvii].

La loi 2016/274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France est encore plus explicite. Sa circulaire d’application précise en effet : « La création du titre pluriannuel particulier, le “passeport talent”, constitue un outil majeur d’attractivité, attendu par les acteurs économiques, universitaires, scientifiques, culturels ou sportifs […] Dans un monde concurrentiel, cet outil doit nous permettre d’attirer en France les talents internationaux[xviii]. »  Le cynisme est à la hauteur des économies espérées. La pandémie du Covid-19 a par exemple révélé le nombre important de médecins étrangers dans les services d’urgence en France.

« Si les Padhue [praticiens à diplôme hors Union européenne] n’étaient pas là, nous n’aurions jamais pu augmenter nos capacités de réanimation en Seine-Saint-Denis… Cela aurait été une catastrophe ! [xix] » résume, par exemple, la responsable du service de réanimation de l’hôpital de Montfermeil. Bien sûr, ces médecins n’ont pas le même statut que leurs collègues français. « La plupart sont payés 1 200 ou 1 300 euros net, soit moins d’un interne en début de parcours[xx] », témoigne l’un d’entre eux.

Non seulement les immigrés n’ont jamais grevé les budgets sociaux, mais la comparaison à un moment T des « coûts et profits » ou des cotisations versées et des prestations reçues occulte les économies du « coût d’élevage ». Cette économie qui ne concernait jadis que la main-d’œuvre non qualifiée s’élargit aujourd’hui à la force de travail qualifiée. 


Source: Investig’Action

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