La résistance communiste allemande (1933-1945): une histoire occultée
La
littérature relative à la résistance sous le IIIe Reich est consacrée
aux comploteurs aristocrates de juillet 1944 et à la poignée de jeunes
catholiques de la «Rose blanche». La résistance communiste qui s’est
développée à cette époque est inexistante selon l’historiographie
officielle, qui tente d’expliquer cette supposée absence par les effets
de la répression, la démoralisation ou le ralliement du peuple allemand
au régime nazi. Ce déni n’a jamais été questionné, alors que les preuves
de la fausseté des arguments présentés sont légion.
Dans
les années 1930, le KPD (Parti communiste d’Allemagne) compte un
million de membres et développe un appareil clandestin s’appuyant sur
les 100’000 miliciens d’une organisation paramilitaire: la Ligue des
combattants du Front rouge. En janvier 1933, les nazis arrivent au
pouvoir. Les communistes seuls réagissent par des grèves et des
manifestations. Le KPD est mis hors la loi et, dans la seule nuit du 27
au 28 février, après l’incendie du Reichstag, 10’000 communistes sont
arrêtés. Quelques semaines plus tard, ils seront 20’000 et en novembre,
60’000. En quelques mois, 2000 militants sont abattus ou torturés à mort.
Le
KPD est contraint à la clandestinité et, dans chaque grande ville
ouvrière, ses organisations se reconstituent. Régulièrement décimées par
la Gestapo, elles ne cessent de se reformer et de poursuivent leurs
activités. Celles-ci sont multiples: propagande antifasciste en
direction du prolétariat allemand, sabotage de la production de guerre,
aide aux antifascistes emprisonnés et, enfin, préparation d’une
insurrection sur la base du précédent de 1918. Les archives de la
Gestapo révèlent cette inlassable activité malgré les vagues
d’arrestations et les milliers de condamnations à mort.
La
résistance est le fait de communistes actifs autant exilés que de ceux
qui restent sur le sol allemand, rendant indéniable l’apport du KPD à la
cause antifasciste. Les communistes ayant pu quitter le Reich
organisent dans les pays voisins des «centrales» pour aider la
résistance intérieure par l’envoi de cadres et de matériel. Ils
fournissent des milliers de volontaires pour combattre en Espagne et,
lorsque l’Europe sera envahie, ils s’engageront dans les résistances
locales, créant parfois des unités entières de partisans. Avant 1933, le KPD avait détaché des militants aguerris aux services secrets soviétiques. Le
seul réseau Harnack/Schulze-Boysen a livré des informations si
nombreuses et cruciales à l’URSS que le chef des services secrets
allemands a estimé qu’il avait coûté au Reich la vie de 200 000 soldats.
Dans les camps de concentration, les SS emploient des détenus pour
effectuer des tâches auxiliaires. Les prisonniers de droit commun
auxquels ces postes sont d’abord confiés se disqualifient par leurs vols
et leurs rivalités et des militants du KPD reprennent peu à peu nombre
de ces occupations. Ils
parviennent, grâce à une utilisation centralisée et rationnelle des
possibilités offertes, à donner aux SS l’apparence d’une bonne
administration tout en atténuant le caractère mortifère des camps. Ils
sauvent (par substitution d’identité) des condamnés à mort, sabotent la
production de guerre, éliminent les mouchards et préparent
l’insurrection armée. A l’approche des forces alliées, les déportés de
Buchenwald se libèrent eux-mêmes, capturant 150 SS.
Alors
que les troupes alliées entrent en Allemagne, 130 organisations
clandestines municipales apparaissent au grand jour, poussant les
militaires à capituler, arrêtant les nazis notoires, organisant les
services publics.
Il
n’y a rien d’étonnant à ce que l’historiographie ouest-allemande de
l’après-guerre ait occulté la résistance de dizaines de milliers de
communistes allemands: en effet, cette historiographie est l’œuvre d’une
université qui n’a alors pas totalement rompu avec l’époque
hitlérienne. Ce déni s’est
perpétué dans le cadre de la guerre froide et donc dans
l’historiographie occidentale. Il est temps de rétablir la vérité
historique, d’en dénoncer les falsificateurs et, surtout, il est temps
de rendre justice à ces hommes et à ces femmes qui, dans des conditions
effroyables et au prix de sacrifices inouïs, ont lutté jusqu’au bout
contre le fascisme.1
Notes
1.
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↑
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Cette
histoire occultée fait l’objet d’une conférence intitulée «La
résistance communiste allemande – 1933-1945», coorganisée par le Secours
Rouge Genève et l’Atelier-Histoire en mouvement, le 22 mai à 18h30
(UniMail, salle MR060), avec Thierry Derbent.
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L’association
L’Atelier-Histoire en mouvement, à Genève, contribue à faire vivre et à
diffuser la mémoire des luttes pour l’émancipation des peuples
opprimés, des femmes et de la classe ouvrière, info@atelier-hem.org
Le
Secours Rouge Genève a pour but de construire une solidarité avec les
militant-e-s et prisonnier-e- révolutionnaires qui subissent
l’oppression bourgeoise ici et ailleurs dans le monde, www.facebook.com/ SecoursRougeGE
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